Jambo Kenya !

Jambo Kenya !

Nous voilà donc de retour de bonne heure à l’aéroport de Gambela pour préparer les avions pour notre départ vers le Kenya. Il fait déjà très chaud à 7 heures du matin. Nous sommes invités à passer le contrôle de sécurité vers 7h30. Un peu d’attente dans ce terminal que nous connaissons trop bien et qui nous rappelle de drôles de souvenirs, et enfin nous passons côté piste. Les barils de carburant nous attendent depuis deux jours dans le hangar, mais lors de notre détention nous n’avons pas été autorisés à faire le plein des avions. Dommage car nous aurions pu économiser un temps précieux. 17 avions à ravitailler avec des pompes manuelles. Vu l’état des barils, pas question de verser le carburant directement dans les réservoirs, il faut impérativement passer par un entonnoir muni d’un filtre. Cela rend le processus encore beaucoup plus lent. Chacun reçoit son carburant à son tour.
img_4651
img_4656
Pendant ce temps, on nettoie les avions, on vérifie quelques vis, on configure les GPS pour la route, et on essaie de se protéger du soleil qui brille de tous ses feux. Vers 11 heures, l’ordre est donné de démarrer les moteurs. Avant de commencer à rouler vers la piste, le pilote de l’avion qui partira en tête demande à chaque pilote de confirmer qu’il est prêt sur la fréquence. Notre radio a l’air de fonctionner correctement. C’est un fameux soulagement car lors du dernier vol, nous avons perdu la communication. Impossible d’entendre ce qui se passait sur notre fréquence dédiée et nous ne savions pas si les autres nous entendaient quand nous essayions de les appeler… Il s’est même avéré que notre radio était en émission continue et que nous avons donc bloqué la fréquence pendant plus d’une heure ! Tout ça avait contribué à rendre l’arrivée sur Gambela particulièrement pénible et stressante… Les premiers avions s’avancent maintenant vers le point d’attente de la piste. La processus est très très lent. Le contrôleur aérien avait demandé qu’au sol, chaque avion demande ses instructions de roulage et de décollage individuellement. Pas question donc de tous se mettre en mouvement en même temps. Pourtant on ne peut pas dire que le trafic soit très dense à Gambela. Les avions du PAM sont déjà partis pour leur première tournée, et personne n’est en approche… Vient notre tour. Nous taxions jusqu’au point d’attente et positionnons le nez de l’avion dans le vent pour effectuer nos essais moteur. Les 3 Travelair nous suivent. Notre radio recommence à donner des signes de faiblesse. Nous n’entendons plus que quelques bribes de communication. Nous prions pour qu’elle ne nous lâche pas encore une fois, nous avons plus de 3 heures de vol devant nous à travers l’Éthiopie et le Sud Soudan !!! Nous sommes numéro 9 dans la séquence de décollage. Le numéro 8 entre en piste et commence à accélérer pour décoller. C’est à nous, mais nos essais moteur ne sont pas concluants ! Nous avons plus de 300 tours de perte sur une des deux magnétos. Quelque chose ne fonctionne pas correctement. Nous devons briser la séquence de décollage et retourner au parking. Les 3 Travelair nous informent qu’ils ne partiront pas sans nous. Ils font également demi-tour. Merci à eux pour cette solidarité qui nous émeu et nous apaise dans ce moment de tension sous ce soleil brûlant après tout ce qui s’est passé ici… Retour au parking donc. J’éteins le moteur, et tout de suite trois autres pilotes qui sont également mécaniciens s’approchent de nous pour nous demander ce qui se passe. Je leur explique. Ils me demandent si j’ai essayé de nettoyer les bougies en appauvrissant le mélange à pleine puissance. Avec la chaleur et le temps interminable passé au sol moteur tournant au ralenti, certaines bougies se sont certainement encrassées. Mon Dieu, j’enseigne cela depuis des années et cela me semble être d’une telle évidence maintenant ! L’adrénaline, la chaleur, la radio, le manque d’expérience aussi avec ce moteur m’ont fait oublier des choses aussi simples et essentielles que cela. Je redémarre, suis la procédure pour décrasser les bougies, essais moteur ok cette fois, nous sommes prêts à partir. Nous avons certainement perdu 15 minutes de plus, nous décollons donc dans la foulée. La radio nous lâche pendant la montée. Décidément, cet endroit ne nous apporte que des problèmes… Frog me confirme que nos compagnons sont bien en vue et derrière nous. J’éteins la radio complètement. Je préfère éviter de créer des interférences sur la fréquence qui pourraient empêcher les autres avions de communiquer entre eux. Heureusement, Frog et moi pouvons encore nous parler dans le cockpit. Sans cela ce serait vraiment l’horreur.
img_5452
img_5412
Les paysages que nous survolons sont très verts. La végétation est très dense par ici. Une gigantesque forêt se profile devant nous et nous décidons de monter vers 5000 pieds pour garder une marge de manœuvre en cas de panne. L’objectif est de rester sur le territoire éthiopien le plus longtemps possible pour raccourcir au maximum le survol du Sud Soudan. Mais la météo en a vraisemblablement décidé autrement. Quelques cellules orageuses nous forcent à rester plus à l’ouest et à entrer sur le territoire Sud Soudanais beaucoup plus tôt que prévu. Je fais quelques essais radio. Il semble que les autres nous entendent quand nous transmettons, mais nous ne recevons pas leurs réponses. Je demande donc à Pedro de Team Canada qui nous suit de très près de balancer les ailes de son avion pour dire oui ou de rester droit pour dire non. Grâce à cela, nous rétablissons une certaine communication avec nos amis ! Ouf !!!
img_5447
Ce Sud Soudan tant redouté par tous s’avère être une région absolument magnifique à survoler. Nous descendons d’abord un peu, puis encore un peu, puis encore. Les premiers vrais paysages africains se révèlent en dessous de nous. Tout à l’air si paisible ici, ce n’est pas du tout ce que j’avais imaginé. Nous découvrons quelques lodges avec des pistes d’atterrissage privées. Peut-être que Maurice s’est posé sur l’un de ses pistes en simulant une panne moteur ? Les autres biplans sont descendus également, tout le monde à l’air de se régaler…
img_5487
Nous passons la frontière kenyane, et notre destination, Lokichogio, n’est plus qu’à quelques nautiques, derrière cette montagne. Je demande à Pedro de négocier l’autorisation d’atterrissage. Piste 09, un peut de vent de travers à négocier prudemment avec notre Stampe, et nous voilà posés au Kenya !!! En éteignant le moteur, je constate qu’une de nos deux magnétos ne fonctionne plus ! Frog avait senti que le moteur ne tournait pas tout à fait rond depuis une heure, mais moi je n’avais rien remarqué. Il y a tellement de vibrations et de bruit dans ce cockpit qu’il est difficile de sentir ce genre de choses. Mais Frog avait donc bel et bien senti que nous tournions sur 4 bougies au lieu de 8. Nous sommes fatigués, nous remettons l’inspection et la réparation au lendemain matin. Accueil extraordinaire à l’aérodrome avec des chants, des danses, et une bonne bière !!!
img_5478
PS : “Jambo” signifie “bonjour” en swahili !

Leave a Reply