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Category: Ethiopie

50 heures à Gambela

50 heures à Gambela

Comme nombre d’entre vous le savent maintenant, nous avons été retenus 50 heures dans le petit terminal de l’aéroport de Gambela (HAGM), en Ethiopie. La raison invoquée : nous sommes entrés illégalement dans le pays et n’avons jamais eu l’autorisation d’atterrir. Le contrôleur aérien de Gambela aurait d’ailleurs plusieurs fois répété “refused to land” mais les avions leaders de la formation ont été contraints de déclarer une urgence et d’atterrir quand même, la réserve de carburant de 90% des avions n’étant plus suffisante pour revenir à Ad Damazin.

A peine atterris, tous les pilotes du groupe ont été pressés par les policiers locaux de se rassembler à l’intérieur de l’aéroport, qui était vide quand nous sommes arrivés (mardi 22 novembre vers 16h). Nos smartphones, tablettes et ordinateurs ont été immédiatement confisqués et enfermés dans une petite salle de l’aéroport. Plus aucune communication avec le monde extérieur ne nous était autorisée. Le chef de l’aéroport et les policiers étaient très nerveux. La confusion régnait dans les premières minutes et il était question qu’on nous laisse sortir de l’aéroport à condition de laisser nos moyens de communication sur place. Nous nous sommes donc exécutés mais très vite nous avons compris qu’on ne nous laisserait même pas sortir. Vers 22h, de la nourriture nous a été apportée dans des petits paquets emballés dans de l’aluminium et nous avons mangé avec les doigts. A 23h, extinction des feux. Chacun cherche un endroit pour dormir, les plus rapides profiteront des quelques bancs où ils pourront s’allonger mais pour tous les autres ce sera à même le carrelage ou sur les tapis roulants. Cédric et moi dormiront l’un près de l’autre sur le sol, mais heureusement…..j’avais mon oreiller !! L’accessoire indispensable de toute aventure, je vous l’avais dit !

Le lendemain vers 7h, après avoir dormi comme on pouvait malgré les ronflements de certains 😉 la chaleur et la dureté de notre couche, nous sommes réveillés par les policiers et invités à monter à l’étage où se trouve une petite cafétéria car les premiers passagers de l’aéroport vont arriver et nous ne devons pas être vus ! Nous rassemblons vite nos affaires et nous montons dans cette salle dans laquelle nous resterons cloîtrés jusqu’au soir. Deux policiers montent la garde, personne ne peut emprunter l’escalier pour descendre. Nous nous lavons de manière sommaire, chacun à notre tour, dans des toilettes adjacentes au bar. Les toilettes des femmes sont quand même heureusement séparées de celles des hommes et la propreté est acceptable… Nous pouvons commander du thé et du café au bar et….des sandwiches aux œufs. C’est grosso modo tout ce que nous mangerons pendant 48 heures, avec quelques biscuits éthiopiens !

On s’occupe comme on peut, certains avaient la chance d’avoir emporté avec eux un livre, un bon vieux et vrai livre (!), d’autres jouent aux cartes, d’autres dorment. Moi j’écris sur un petit carnet. Je ne pourrai pas recopier tout ce que j’ai écrit sur tout ce que j’ai vu pendant ces 50 heures tellement il y a de pages…

Nous apprenons que nous sommes soupçonnés d’espionnage. Dans la tête de ces officiels éthiopiens, nous sommes soit un groupe d’espions, soit un groupe de touristes infiltré par des espions. Deux pilotes de nationalité égyptienne font partie du groupe et nous sommes passés par l’Egypte et le Soudan avant d’arriver ici, sans être attendus… L’Egypte et le Soudan sont deux pays avec lesquels l’Ethiopie entretient des relations diplomatiques compliquées, voire pas du tout de relations diplomatiques, à cause d’un conflit de longue date autour du Nil et de la construction d’un certain barrage…

Le soir venu, nous sommes autorisés à descendre au rez-de-chaussée, où l’air est beaucoup plus respirable, pour passer notre deuxième nuit dans ce terminal. Nous comprenons que malgré les pourparlers entre les organisateurs, l’arrivée de certains officiels de la capitale, Addis-Abeba, en début d’après-midi, pour investiguer la situation, et le fait que toutes nos ambassades auraient été contactées (16 nationalités différentes dans le groupe), nous allons rempiler pour une nuit…à notre grand désarroi. Des pizzas arrivent vers 21h et les policiers nous laissent sortir un instant sur le perron à l’extérieur pour prendre un peu d’air frais. La soirée est agréable dehors. Mais la parenthèse sera de courte durée, les policiers veulent refermer les portes, on rentre et on “prépare notre couche” pour aller dormir…

Le lendemain, c’est exactement le même cirque qui recommence. On est réveillé tôt, presté de monter à l’étage pour nous cacher, et on nous dit même qu’on doit s’éloigner de la rambarde pour ne pas être vus depuis le rez ni entrer en communication avec des personnes de l’extérieur…. Même petit déjeuner aux sandwiches aux œufs, même chaleur dans cette salle, même ennui, la journée avance et rien ne semble bouger.

En début d’après-midi, chaque pilote sera interviewé par des officiels éthiopiens. On ne comprend pas très bien d’où ils viennent, du ministère des affaires étrangères, des autorités aéronautiques ?… Cédric, en tant que commandant, passera l’entretien, pendant que je suis convoquée par d’autres officiels qui m’interrogent sur nos appareils électroniques confisqués. Il faut décliner notre identité, le type d’ordinateur ou de téléphone en notre possession, etc. etc.. Nick, de Team Alaska, a terminé l’entretien et raconte à Lita (sa femme) et moi que l’agent qui l’a interrogé est un homme charmant, intelligent, éduqué. Il lui a posé des questions censées, pertinentes, mais il voulait aussi savoir des choses très anodines : sa profession, pourquoi il était là, quels pays il avait traversés avant d’arriver ici, qu’est-ce qu’il avait vu, les sites qu’il avait survolés…et s’il avait rencontré des officiels en Egypte et au Soudan. Cédric partagera la même expérience…

Vers 17h jeudi 24 novembre, nous sommes enfin solennellement réunis par le chef qui nous explique pourquoi nous avons été “retenus” ou “détenus”. Il explique l’importance de la souveraineté de son pays et de ses lois que nous aurions dû respecter. Il nous dit toutefois que seuls les organisateurs sont responsables et que personne ne sera puni. Il dit que les organisateurs devraient s’excuser. Il nous annonce que nous sommes libres, tout le monde applaudit et le remercie !

Beaucoup estiment que les autorités éthiopiennes ont fait preuve de zèle en nous maintenant ainsi et surtout parce qu’on nous a laissés dormir par terre comme des animaux. Je ne sais pas, c’est compliqué. L’Ethiopie est l’un des pays les plus pauvres au monde. Ils n’avaient pas forcément les infrastructures adéquates pour nous garder dans des conditions décentes ni l’expérience pour gérer ce genre de situation exceptionnelle.

Je n’aurai rien vu de Gambela. Mais nous n’avons aucune rancœur vis-à-vis de ce pays et nous reviendrons. Et cette fois nous nous occuperons nous-mêmes de notre droit d’entrée 😉

Derrière ces arbres se trouvaient la salle où nous avons été retenus :

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Voici les deux gros Iliouchine du PAM (Programme Alimentaire Mondial) basés à Gambela et dont nous observerons les incessants va-et-vients (vers le Darfour et l’Erythrée ?) pendant les 50 heures de notre rétention…quel drôle de monde ce monde de l’humanitaire :

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Photo de la tour de contrôle, en construction…

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Photo de nous deux juste après avoir été “libérés”, prise dans le bus qui nous emmène à notre hôtel, dans le centre ville de Gambela, jeudi 24 novembre vers 19h :

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